Du 24 mai au 3 juin 2023, le Théâtre Paris-Villette accueille la nouvelle création de Marcos Caramés-Blanco « Trigger Warning » mise en scène par Maëlle Dequiedt de la Cie La Phenomena et interpreté par Lucas Faulong et Orane Lemâle. La pièce est à retrouver les 7 et 8 juillet 2023 aux Nuits de Fourvière à Lyon.

3h58. Une chambre mansardée. Murs en briques grises. Une fenêtre. Zed, héros·oïne adolescent·e, s’affale dans son lit, plaque son visage dans un coussin, puis relève la tête. Des écouteurs à ses oreilles, des cheveux en pétard, roses, verts ou bleus, du fard à paupières rose, vert ou bleu, un gros trait d’eyeliner, de longs faux-ongles noirs. Zed scrolle sur son smartphone.

Découvertes en novembre dernier, lors du Festival Focus sur les nouvelles dramaturgies de Théâtre Ouvert, cette écriture, cette mise en scène résonnent encore. Sur scène, pas d’écran ni de vidéo, le texte du jeune auteur, souvent primé, Marcos Caramés-Blanco, prend « le parti de représenter le monde virtuel à travers une suppression de l’image au profit du langage ». Dans cette cavale tragique sur smartphone, la langue propre des réseaux sociaux et la manière d’être au monde qu’elle érige, sensible, plastique, nous tiennent en haleine. Cette langue traque, retient, étourdit, ici jusqu’au drame.

Zed incarne, au-delà de la singularité qu’iel défend, dans cette nuit aspirée par l’angoisse de « mal paraître / mal être », notre ultra-moderne solitude. Iel nous interpelle avec force  » Vous aussi quand vous arrivez pas à dormir vous savez plus qui vous êtes ?  » L’errement de Zed est le nôtre, celui de toutes nos jeunesses, quels que soient nos âges, amplifié par le prisme de nos avatars. Cette fable nocturne, portée à la scène par Marie Dequiedt (repérée avec sa création I Wish I Was), est infiniment inter-générationnelle et rouvre les dialogues. À partager avec nos ados, ceux des autres et ceux que l’on a été.

Trigger Warning est un ovni pour la scène, une partition qui propose une nouvelle expérience aux spectateur·rice·s.

trigger warning : pratique répandue dans les réseaux sociaux et les médias féministes, consiste en un avertissement écrit prévenant qu’un contenu (œuvre, article, post, vidéo) peut contenir des éléments susceptibles de déclencher ou réactiver un traumatisme psychologique à une personne.

L’un des enjeux majeurs du spectacle est de traduire scéniquement le monde des réseaux sociaux dans lequel évolue Zed [adolescent·e des temps modernes], mais sans avoir recours aux écrans ni à la vidéo de manière littérale, au profit d’un espace théâtral, plastique et sensible.

Trigger Warning offre une performance en temps réel, théâtrale et musicale. La partition du texte est rythmée par la playlist de Zed – de Billie Eilish à XXXTENTACION, de The Weeknd à Ezra Furman. Le spectacle devient cet enchaînement de pistes, convoquant une puissante énergie vitale au plateau. Il nous entraîne avec Zed, dans cette fuite en avant, “vers la tendresse de la lumière”.

Au plateau, deux interprètes donnent corps au texte. Lucas Faulong est Zed, figure énigmatique et centrale, ultra-moderne solitude, adolescent·e genderfucked refusant de se laisser assigner à la binarité des genres. Lucas, formé à la Manufacture de Lausanne, évolue entre le registre de l’hyper-intime capté par la caméra, capable de métamorphoser sa voix et son corps. Proche du territoire de la performance, il met son corps en mouvement sur la bande son pour exorciser la rage et la violence.

Tout aussi polymorphe, Orane Lemâle incarne les autres figures de cette histoire : elle est la voix-off qui nous donne à entendre les errances nocturnes de Zed sur les réseaux. Elle est Bae – son ami drag et meilleur allié, figure solaire et haute en couleurs. Elle incarne aussi Manconfused, cet inconnu rencontré sur les réseaux qui harcèle Zed jusqu’à l’obscène.  Maëlle Dequiedt 

C’est une des premières fois que je vois un auteur s’emparer si bien théâtralement de la question des réseaux sociaux, de cette écriture nouvelle, et d’arriver à en extraire une forme de poétique. Il y a quelque chose de totalement générationnel dans ce spectacle.
Nous nous réjouissons d’ores et déjà de retrouver Marcos Caramés-Blanco au TPV en 23.24 pour son texte Gloria Gloria, mis en scène par une artiste, elle aussi pleine d’avenir, Sarah Delaby-Rochette. 

Adrien de Van, directeur du TPV

Marcos Caramés-Blanco

Né en 1995 dans les Pyrénées, Marcos Caramés-Blanco est écrivain dramaturge. Il co-fonde en 2015 la Cie Continuum à Toulouse, puis intègre en 2018 le département d’écriture de l’ENSATT à Lyon. En 2019, son texte Gloria Gloria reçoit l’Aide nationale à la création de textes dramatiques ARTCENA, est par la suite sélectionné par divers comités de lecture (Comédie de Caen, CDN d’Orléans, Troisième Bureau, Le Rideau Bruxelles), présenté dans des festivals, et publié aux Éditions Théâtrales en février 2023. Il remporte le Prix Incandescences (Célestins/Lyon & TNP/Villeurbanne). 

Sa pièce Gloria Gloria sera en septembre 2023 au TPV – dans le cadre du Festival SPOT – , puis en décembre 2023 à Alençon (SN), Nantes (TU) et Théâtre Ouvert, suivi de Blois (Halle aux Grains) en février 2024 et Lyon (Célestins) en avril 2024.

On en parle dans la presse :

« Voyage au bout de la nuit 2.0 » Sceneweb

« Se fuir sur internet » Trax

« Si le drame se passe dans les limbes d’internet, il esr bien réel pour le corps qui le reçoit » Zone Critique