Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Cinquième entretien avec Jean-Baptiste Moreno et Yann Tran Lévêque, respectivement Directeur adjoint et Responsable de la communication des Plateaux Sauvages (direction : Laëtitia Guédon).

Jean-Baptiste Moreno et Yann Tran Lévêque se définissent tous deux comme des “enfants de la démocratisation culturelle”. 
Le premier a fait du théâtre au lycée, au conservatoire et, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, a toujours voulu travailler dans le théâtre. Il s’investit douze ans au Théâtre de la Commune, sous la direction de Didier Bezace, dans les relations publiques, la médiation, l’éducation artistique et culturelle et la programmation jeune public, puis deux ans au Théâtre des Quartiers d’Ivry en tant que responsable des relations avec les publics. Il rejoint Laëtitia Guédon pour l’accompagner sur l’appel à projet et la conception des Plateaux Sauvages et occupe, depuis la nomination de celle-ci par la Mairie de Paris en 2016, le poste de directeur adjoint.
Le second est responsable de la communication des Plateaux Sauvages depuis deux ans. C’est sa passion pour la médiation et le théâtre, qu’il a commencé à l’âge de 5 ans, qui l’a conduit à des postes de communication. Auparavant, Yann a passé six ans en tant que chargé des projets culturels d’une ville de la banlieue de Perpignan. Il a également travaillé aux relations avec les publics de l’Odéon-Théâtre de l’Europe et en tant que responsable de communication et des relations avec les publics au Théâtre de Belleville à Paris.

Bonjour Jean-Baptiste et Yann. Quelle est selon vous la spécificité de la communication dans le secteur du spectacle vivant ?

Jean-Baptiste Moreno : Le projet des Plateaux Sauvages a ceci de spécifique qu’il est une fabrique artistique et culturelle. Il répond à la volonté de créer un lieu de résidence de création dans la capitale, un territoire avec majoritairement des lieux de diffusion. D’où cet appel à projet de la Ville de Paris, dans lequel Laëtitia Guédon s’est inscrite. Nous n’accueillons pratiquement jamais de spectacles en diffusion, mais des spectacles en création – qui se créent ici
Nous construisons donc une communication… pour un lieu qui se construit lui-même. Nous sommes le dernier établissement public parisien à devoir se fabriquer une identité. Notre communication repose sur notre projet artistique : créer et transmettre. 
Ainsi, nous nous sommes nommé·e·s “Les Plateaux Sauvages”, à partir de valeurs fortes et assumées : le métissage artistique, la “créolisation” (le mélange) des esthétiques et des publics, une attention particulière pour les textes contemporains, une pluridisciplinarité – même s’il y a une dominante théâtre. Il y a aussi le territoire : nous sommes implanté·e·s dans le 20e arrondissement. C’est ce lieu, cette maison d’artistes, qui crée ce croisement et finalement, cette inclusion. 
Ces termes : “artistique”, “inclusion”, “singularité”, fondent notre communication. Notre logotype renvoie à la métaphore de l’art comme miroir du monde, au temps de la création puisque c’est aussi un sablier, au “double X” du 20e, au fait d’être un lieu profondément indiscipliné. Notre activité est un grand iceberg, dont la partie la moins visible est la recherche artistique : prêter des espaces pour que des artistes puissent répéter, travailler. La partie visible, ce sont les rendez-vous publics : cette diffusion de leur travail fait partie de notre accompagnement. Tout l’enjeu est donc de trouver comment communiquer sur l’activité du lieu, sur des spectacles en train de se faire et la transmission artistique.

Pour ce faire, nous avons fait le choix d’une communication très visuelle : donner à voir les artistes qui viennent aux Plateaux Sauvages, l’intimité de la création et la transmission artistique avec les publics. À la différence d’autres lieux, les artistes qui viennent chez nous n’ont pas encore de visuels de leur spectacle. Notre choix graphique s’est tourné vers des portraits photo des artistes de la saison, pris par Pauline Le Goff, photographe associée aux Plateaux Sauvages. 
Et puisque nous sommes une fabrique artistique, nous développons nos médias (photos, vidéos et bientôt podcast), en collaboration avec d’autres artistes. Ce qui donne une touche singulière à notre communication.

© Pauline Le Goff

Quels sont vos rôles et comment travaillez-vous ensemble sur la communication ?

Jean-Baptiste Moreno : Quand Yann nous a rejoint·e·s il y a deux ans, la charte était déjà installée et il a contribué à la diffuser. Il a su asseoir, à partir de ce socle, un certain nombre de choses : le site internet et la newsletter qu’il a étoffés, un travail fin avec notre logiciel de billetterie, qui a permis le prolongement de cette communication visuelle. Yann a porté une vraie plus-value sur la valorisation du visuel dans notre communication. Nous réfléchissons actuellement à être plus précis sur le print et les réseaux sociaux. Un vrai chantier ! Yann conduit toute cette communication en lien avec la direction, l’équipe des relations avec les publics et de l’accueil, l’administration, la technique… en transversalité. 

Yann Tran Levêque : J’encadre une équipe de communiquant·e·s en apprentissage et fais le lien avec l’ensemble des prestataires nous aidant à mettre en lumière la diversité de nos activités WEB/PRINT. De même, en lien avec le bureau de presse Elektronlibre, j’ai la responsabilité de notre visibilité auprès des journalistes. Grâce aux plans de communication adaptés à chaque projet en création dans notre fabrique artistique, nous travaillons main dans la main avec chaque artiste sur la communication de leurs résidences à partir d’un rétro-planning global peaufiné en début de saison. 

Quels sont les temps forts de communication d’une saison aux Plateaux Sauvages ?

Yann Tran Lévêque : Tout d’abord, c’est la phase de conception. Elle démarre dès janvier par la rencontre avec l’ensemble des artistes de la saison à venir que nous accompagnerons dans le cadre des résidences. Ces rencontres vont déterminer la conception de la saison, jusqu’au lancement de la communication début juin, ponctué par la livraison de la brochure et la mise à jour du site. Durant cette période, l’ensemble des séances photo est un temps fort. Nous créons pour cela un studio spécialement aménagé. C’est le moment le plus dense en termes de travail et aussi le plus riche en termes de rencontres et de créations. Bien sûr, il y a aussi le lancement en septembre : nous sommes toujours impatient·e·s à l’idée de voir comment les ventes démarrent en début de saison…

Jean-Baptiste Moreno : Concevoir la brochure nous permet de préparer toute la communication de la saison à venir : textes, visuels, tout ce qui va se développer ensuite sur le web mais également sur les affiches, les tracts… Début juin, la billetterie se met en place pour qu’il y ait une concordance entre la réception de la brochure et la possibilité de réserver pour les représentations et/ou s’inscrire aux plus de 40 ateliers (pour plus de 500 participant·e·s chaque saison) – même si nous avons aussi une partie du public (plus jeune) qui réserve de manière plus tardive que dans d’autres théâtres.
En septembre, le temps fort Avant la nuit ouvrira la saison par les représentations des spectacles qui n’ont pas encore pu rencontrer leurs publics pendant le confinement. Nous lancerons également la saison 2021/2022 avec une carte blanche d’une artiste que nous adorons aux Plateaux Sauvages, Estelle Meyer, avant de laisser la place aux 15 artistes de la saison et aux évènements de notre programmation.

Quels sont vos trois outils de com essentiels ?

Yann Tran Lévêque : Le plan de communication, que nous adaptons pour chaque artiste.  Puis, toute la communication WEB/PRINT entre notre site vitrine, les réseaux sociaux, la newsletter que nous continuons de faire évoluer pour être toujours plus responsive compte tenu des très forts taux d’ouverture sur ces différents supports et la brochure de saison, les affiches… Nous avons dû tout créer car c’est un lieu nouveau. C’est assez excitant ! Et enfin, l’ensemble des outils liés à la presse qui permettent, en plus de mettre en lumière nos créations et notre fabrique artistique, d’être les partenaires cette saison du Monde, Télérama, LesInrocks.com, Transfuge, La Terrasse, Paris-Mômes…

Un exemple de réussite dont vous êtes particulièrement fiers ?

Jean-Baptiste Moreno : Plusieurs ! En premier lieu notre logo, créé par la graphiste Marie-Laure Tomasi (Piknetart), très efficace avec une espèce de pureté, d’universalité et, en même temps, la part de mystère qu’il recèle. Ensuite, l’écriture inclusive présente dans notre communication et qui évolue dans le temps. Nous cherchons à être un lieu où chacun·e peut se sentir chez iel et cela passe aussi par une forme d’inclusivité. On évolue chaque année en essayant de le traduire par écrit et cela marche plutôt bien. Enfin, les textes de la brochure, rédigés par une autrice Séphora Haymann, sont ciselés avec elle.

Yann Tran Lévêque : Une initiative a été mise en place lors du second confinement : la création d’une plateforme web TV, plateaux.tv, qui nous a permis de garder le lien avec les publics. Mettre encore plus en avant l’aventure des Plateaux Sauvages dans un temps où nous n’avions pas la possibilité de nous retrouver. Mettre en avant davantage l’objet vidéo par la production de capsules inédites, Collection « Regards sur… », qui donne à voir un pas de côté créatif et artistique sur chacune des créations en cours, réalisées par deux vidéastes Frédéric Radepont et Frédérique Renda en lien avec les artistes de la saison. Dans ce cadre-là, nous avons aussi créé le format Aux confins des Plateaux Sauvages, des interviews ou des temps avec des résidences, puisqu’elles étaient maintenues, ce qui a permis de faire s’évader les publics qui restaient confinés chez eux. La plateforme continue d’exister et a déjà rencontré plus de 60 000 personnes sur nos réseaux sociaux ! Cela a été un moment propice à la créativité.

Jean-Baptiste Moreno : Et le prochain développement, c’est un podcast !

Trois mots clés pour qualifier votre com ?

Jean-Baptiste Moreno et Yann Tran Lévêque : Singulière, inclusive et visuelle.
Singulière de par le projet du lieu. Inclusive parce que nous voulons être “au croisement”. Notre “billetterie responsable” en est un exemple : le public fixe le prix en fonction de ses moyens et la moitié de la billetterie est perçue par l’équipe artistique. Le·la spectateur·rice ne se place plus en tant que consommateur·rice de spectacles mais en tant que soutien à la création. De plus, une personne qui n’aurait pas les moyens de se rendre au théâtre, peut demander un billet suspendu. Ce n’est donc absolument pas un problème de venir fréquenter des œuvres. Et le public joue le jeu ! Et il est plus généreux quand on lui donne la possibilité de l’être. Nous sommes les premier·e·s à avoir mis en place cette billetterie responsable à Paris dès 2017. Elle se pratique désormais chez nos consœurs/confrères de la Maison des Métallos, de la MPAA…
Enfin, visuelle car il est important pour nous, de donner à voir les activités de notre fabrique artistique, surtout pour mettre en avant les artistes émergent·e·s.

Un mot optimiste dans ce contexte particulier de Covid-19 ?

Jean-Baptiste Moreno : Nous nous réjouissons de rouvrir, de se projeter vers des rendez-vous publics à venir. Nous trépignons de recroiser des personnes dans les salles et dans les halls. Nous voulons que le public voie l’avancée de la végétalisation durant ces confinements. Nous avons posé nos enseignes et nous devenons plus visibles. Également, nous travaillons avec une association d’art urbain : Art Azoï à qui nous confions à la fois un projet de murs pérennes et de murs éphémères.
Et nous pouvons vous indiquer la thématique de la saison prochaine qui est toujours choisie une fois la programmation faite : Nuit(s). Car l’année prochaine, les artistes en résidence aux Plateaux Sauvages interrogeront le côté sombre, caché, mystérieux de l’âme humaine. Et toutes les couleurs de la communication se plieront aux couleurs de la nuit !

Yann Tran Lévêque : Une thématique parfaite avec la fin du couvre-feu qui arrive enfin.

Ce qui vous rend fous de joie dans votre métier ?

Jean-Baptiste Moreno : Quand on a de nouveaux partenariats et que le public vient nous rendre visite !

Yann Tran Lévêque : La plus grande récompense, la plus belle reconnaissance, c’est quand le public vient en nombre. Quand nous constatons que le public est au rendez-vous, même si les spectateur·rice·s sont parfois désorienté·e·s. C’est là que notre métier prend tout son sens, que nous avons su créer quelque chose, une rencontre entre les publics, les œuvres et les artistes ! C’est toujours très fort. 

lesplateauxsauvages.fr