Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Troisième entretien avec Audiane Plagiau, directrice de la communication du Centre Dramatique National Nanterre-Amandiers (direction : Christophe Rauck).

Audiane Plagiau a toujours eu le goût des lettres. Après une prépa littéraire et ce qu’on appelait à l’époque une “maîtrise” d’anglais à la Sorbonne, elle décide, “par goût et par curiosité” de s’orienter vers la culture. Avant d’intégrer le DESS Développement culturel européen de Lille, elle travaille durant un an au Théâtre Dunois, alors dédié à l’enfance et la jeunesse, où elle “touche à tous les corps de métiers” : accueil, communication, relations presse… En DESS, elle enrichit ses connaissances techniques et juridiques sur la gestion d’une entreprise culturelle. Et surtout, elle postule, pour son stage obligatoire, au Festival d’Automne à Paris où elle est prise à la communication. Au carrefour des lieux et des acteurs du secteur en Île-de-France, elle y découvre sa vocation. Un an plus tard, le Théâtre de Chaillot l’appelle pour un remplacement. Entrée en tant qu’assistante, elle en ressortira 11 ans plus tard responsable du service. En 2017, “désireuse de prendre part aux grandes décisions stratégiques”, elle entame un nouveau chapitre de sa carrière en devenant directrice de la communication du Théâtre Nanterre-Amandiers, sous la direction de Philippe Quesne.

Bonjour Audiane. Quelle est selon vous la spécificité de communiquer dans le secteur du spectacle vivant ?

En fait, je n’ai toujours communiqué que pour du spectacle vivant et j’ai fait une formation plus culturelle que communication. Je dirais que ce qui me plaît dans mon métier, c’est l’alliance de la langue – travailler avec la langue française, trouver la formule percutante, rédiger le texte qui donne envie – et du visuel – de la photo ou du graphisme. Ce sont deux choses que, moi-même, j’aime bien trafiquer et la culture me semble un formidable endroit pour rassembler ces deux intérêts, peut-être plus qu’une entreprise “classique”. Il faut dire qu’on est extrêmement bien servis : les textes et les photos sont séduisants, on peut se faire plaisir, c’est l’endroit idéal pour “s’éclater”. D’ailleurs, souvent les graphistes de grosses agences habitués au CAC40 ont envie de travailler sur des projets culturels, même s’ils savent que ça ne va pas leur rapporter beaucoup. C’est une bouffée d’air pour les directeurs artistiques !

Théâtre Nanterre-Amandiers

Quel est votre rôle en tant que directrice de la communication, un poste qui n’existe pas forcément dans toutes les structures ?

Souvent dans les théâtres, il existe ce poste de secrétaire général, sorte de bras droit traditionnel du directeur, qui rassemble la communication, les relations extérieures – dont les relations avec le public. Au théâtre Nanterre-Amandiers, le directeur, Philippe Quesne, qui vient de partir, était à la fois artiste et assez avant-gardiste sur la communication : il préférait avoir un directeur de la communication et un directeur des publics. Ça a été une chance pour moi. Comme les autres directeurs, je fais partie des réunions de direction, de toutes les grandes décisions de la maison tout au long de l’année, tout en étant, en même temps, “les mains dans le cambouis”, avec la mise en place du plan de communication, la rédaction de textes, les relations partenaires… C’est un bon compromis entre le management (j’encadre deux CDI et un·e stagiaire pendant 6-8 mois) et l’opérationnel, assez rare, peut-être aussi parce que la taille le permet. Je ne sais pas quelle sera la ligne de la nouvelle direction (Christophe Rauck), il faudra s’en reparler dans un an !

Quels sont les temps forts de communication d’une saison aux Amandiers ?

Un peu comme tout le monde, il y a le lancement de la saison : avec la brochure de saison (pour l’instant toujours indémodable), de l’affichage et une présence dans les médias, à peu près au moins de juin, avec une piqûre de rappel en septembre. On imprime un peu moins de brochures papier chaque année, mais on en fait toujours. Sur cette saison, entre les incertitudes et les possibles annulations, je ne suis pas sûre que le papier tienne le coup, mais à voir. C’est un peu tôt car, en général, on finit au mois de mars, donc c’est à ce moment qu’on se posera sérieusement la question de l’utilité ou non de sortir une brochure en juin. 

Sinon, traditionnellement, on ré-affiche la saison en janvier. On peut dire que c’est notre deuxième temps fort. On se débrouille aussi pour être présents dans les médias qui sortent leur fameuse “rentrée de scène”.
Et notre troisième temps fort, c’est le Festival d’Avignon au mois de juillet. On communique peut-être davantage vers les professionnels que le grand public, quoique… : on achète beaucoup d’espaces publicitaires dans les journaux et les numéros spéciaux Avignon, avec une forte présence sur place (distribution de flyers…)
Pour le reste, ça dépend des années. Depuis que je suis au Théâtre Nanterre-Amandiers, chaque saison, nous avons eu un gros événement, comme le festival autour de mai 68 en 2018 ou la grande exposition sur Jean-Luc Godard il y a deux ans. Là, avec les circonstances, on ne fait plus que du coup par coup.

Quels sont vos trois outils de com essentiels ?

En premier, la brochure, qui est vraiment le nerf de la guerre, notre outil de base, dans lequel tout le monde va piocher de l’information. Mes deux collègues du service et moi récoltons l’information, nous relisons les textes écrits par des rédacteurs et faisons le lien avec les graphistes, jusqu’à la validation finale (la brochure est corrigée in fine par une correctrice).
Ensuite, le site Internet que nous avons refait en 2019 : nous avons travaillé sa structure, la maquette a été faite par nos graphistes et le site a été développé par un développeur freelance. Il était très approprié au projet de Philippe Quesne, il va peut-être un peu changer avec Christophe Rauck car il est important qu’il reflète le projet du directeur.
Enfin, ex-aequo car complémentaires : les réseaux sociaux avec leurs retombées immédiates, et les campagnes d’affichage, tout ce qui est visuel : même si c’est plus difficile à quantifier, on voit que ça marque les esprits, les gens nous font des retours. Personnellement, je crois encore au print !

Un exemple de réussite dont vous êtes particulièrement fière ?

Je réfléchis… parce qu’il y en a plein (rires). Pour prendre un exemple où il y avait un enjeu, je dirais la brochure qu’on a faite pour le festival pour la célébration de Mai 68, Mondes possibles, parce que communiquer sur un festival, c’est quand même une sacrée gageure. C’est un document qui ne paie pas de mine, de taille poster 40×60, plié, qui devait donner aux gens l’intégralité des informations sur l’organisation du festival avec les spectacles, les horaires, etc. J’ai trouvé ça hyper intéressant parce que c’est là, vraiment, que la communication doit être à son endroit : rendre les choses explicites, lisibles, ne pas être dans l’entre-soi, parler véritablement au public. C’est un document que j’ai aimé faire, on l’a conçu en partant de zéro à partir du besoin exprimé par Philippe Quesne. 

Sinon, sans nous lancer de fleurs, je trouve notre site Internet vraiment réussi : très maniable, sobre, clair, il répond à la rapidité et la facilité qu’on attend pour trouver l’information. Ça a été un gros travail avec toutes les équipes pour établir le cahier des charges, et tout s’est passé fluidement jusqu’à la livraison.

Trois mots clés pour qualifier votre com ?

“Centrée autour des artistes” : partant vraiment de l’artiste pour ensuite parler du reste, une chose à laquelle Philippe Quesne tenait énormément. C’est pourquoi, si vous regardez la communication du théâtre, c’est le nom de l’artiste qui dépasse tout, même le titre du spectacle. C’était quelqu’un qui avait envie de mettre en avant cette constellation d’artistes, qu’ils soient émergents ou très connus, il n’y avait pas de distinction. L’artiste et son univers sont vraiment le début de tout.

Un mot optimiste de fin ?

Comme on manque un peu de perspective, c’est compliqué car on a besoin de communiquer en avance, donc on a l’impression de devoir modifier sans cesse les choses. Alors peut-être, ce qui peut être bénéfique, c’est de revoir nos vieilles habitudes et les changer, réinterroger nos pratiques un peu ancestrales de communication dans la culture, parce qu’on se rend compte que communiquer sur un spectacle deux mois à l’avance, ce n’est plus possible. Et puis explorer de nouveaux champs créatifs, par exemple avec le podcast. Nous ne sommes pas les seuls bien sûr, d’autres lieux l’ont fait. Et pourquoi pas ? Que les lieux de spectacle vivant produisent aussi de l’audio vivant ? Ce podcast, nous l’avons imaginé entre les deux confinements, en juin dernier, sans savoir que ça durerait. L’idée, c’est de proposer en épisodes (8 sont prévus) une revue sonore. Non pas des reportages publicitaires, mais de vraies créations sonores. Ce n’est pas notre métier, donc nous avons fait appel à la journaliste Aude Lavigne (ex-France Culture) et au réalisateur Alexandre Plank. Tous deux se promènent dans les salles de répétition, puisqu’il n’y a que ça en ce moment, et glanent des moments de création de spectacles. Ça dure une trentaine de minutes, c’est très agréable à écouter et c’est une façon d’entrer dans l’univers des artistes de la saison d’une manière différente. Produire ce joli objet, qui reste complètement artistique, nous a mis du baume au cœur. Et, mine de rien, il nous permet de continuer d’exister, d’avoir un peu de choses à offrir au public, sans brasser trop d’air !

nanterre-amandiers.com