Après notre première synthèse sur les tendances de la communication dans le spectacle vivant 2021/22, voici les constats et prospectives dans les métiers de la communication (design, communication numérique, social media…) mis à jour en ce premier trimestre 2023.

Découvrez les 10 enseignements qu’il nous semble important d’avoir à l’esprit au moment d’engager le travail sur les festivals et la saison à venir.

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1. Le contexte : c’est pas folichon

2022 marquait l’embellie post-Covid, les retrouvailles enflammées avec le public, un véritable tourbillon de dates et d’événements, fruit des reprogrammations et vœux pieux du système à se renouveler. En 2023, il semblerait que ce soit la gueule de bois, particulièrement dans le secteur public. Et si les événements professionnels et publics enregistrent des fréquentations records, on y débat de manière simultanée de sujets plutôt pessimistes comme la “possible fin du spectacle vivant en 2023”, la fermeture des lieux et la réduction drastique des créations sur la saison à venir.

Les chiffres positifs affichés par La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) en début d’année n’étaient-ils qu’un miroir aux alouettes destiné à rassurer un secteur en berne et des professionnels toujours plus épuisés, dont le métier n’attire désormais plus grand monde malgré la hausse des emplois constatés jusqu’alors

Cette dépression en cours affecte aussi la capacité de projection des acteurs du spectacle vivant. Car, comme le souligne une étude partagée par le TMNlab, si 50 % des enquêté·e·s imaginent que le spectacle vivant intégrera plus de technologies numériques en 2050, 17 % d’entre eux·elles indiquent qu’ils·elles ne savent pas à quoi ressemblera le spectacle vivant en 2050. Par ailleurs, 21 % des individus interrogés ignorent quels changements devraient avoir lieu dans le domaine du spectacle vivant actuellement.

À SUIVRE : C’est pour cela que dans un contexte aussi morose, le principal enjeu de communication pour cette saison est celui du rassemblement, de la mutualisation. Professionnel·le·s du spectacle vivant et spectateur·rice·s de tous pays : unissons-nous ! Dans un contexte de disette budgétaire, la mutualisation est de bon ton et nous parions sur le fait que vont émerger des campagnes, des partenariats et autres actions collectives, comme le prouve cette première initiative du SYNDEAC de rassembler le plus grand nombre sous une bannière dans laquelle on ne peut que se reconnaître : personne n’a envie d’éteindre la lumière sur le spectacle vivant ! (enfin sauf si tout le monde est sorti de la pièce, bien sûr). Cliquez pour signer la pétition.

2. Cibles : exigence et volatilité 

Le(s) public(s) : on ne vit que pour et par lui/eux. Mais qui sont-ils, en 2023, ces publics du spectacle vivant, ceux que l’on recherche et que l’on accueille dedans et dehors désormais ?

Les salles semblent s’être remplies pour le mieux avec +2 % de fréquentation par rapport à 2019 (source), un taux donc supérieur à l’avant-pandémie, ce qui corrobore le chiffre de 71 % de Français émettant le souhait d’effectuer une sortie culturelle au cours du premier semestre 2022*. Toutefois, la tendance reste à l’incertitude car l’inflation frappe aujourd’hui aux portes d’un public encore fragilisé.

Par ailleurs, cette même étude rappelait que l’offre-même des établissements culturels constitue l’un des freins à la régularité des sorties culturelles. Ainsi, en janvier 2022, près d’1 Français sur 3 estimait que la programmation récente des lieux culturels répondait moins à ses attentes que les années précédentes. Un décalage relevé particulièrement par les jeunes, les personnes les plus diplômées et les familles, des publics de plus en plus difficiles à fidéliser quand la curiosité tend à se perdre pour des valeurs « sûres ».

Pour les institutions, la tendance est donc à l’écoute toujours plus fine (bonjour les études de publics), au ciblage, à l’identification et à la création de communautés d’intérêts et de spectateurs, clés d’une relation renouvelée et de dispositifs innovants. 

À SUIVRE : le concept de grassroot, tout droit venu des États-Unis, traduit le phénomène communautaire qui associe la base (root/racine) – des personnes ordinaires sur le terrain – et des communautés proches géographiquement menant une sorte d’activisme local. Exemple : du WhatsApp des parents d’élèves jusqu’au blog du petit 20e.

* sondage réalisé du 31 août 2021 au 3 septembre 2021 par l’institut Harris Interactive, puis enquête « Conditions de vie et aspirations des Français », réalisée du 21 décembre 2021 au 14 janvier 2022 par le CRÉDOC, interrogeant les Français âgés de 15 ans et plus sur leurs pratiques culturelles récentes.

3. Le Pass Culture au cœur des politiques publiques 

Pour les jeunes utilisateur·rice·s du Pass Culture, le premier canal d’acquisition et d’information est Internet, plus particulièrement les réseaux sociaux : 71 % des jeunes interrogé·e·s déclarent avoir entendu parler du spectacle vivant via des publicités sur les réseaux sociaux ou via des publications sur les comptes d’artistes qu’iels suivent (source : “Spectacle vivant et le Pass Culture 2023”, TMNlab).

Les jeunes de 15 à 20 ans ont l’impression que les moyens de communication du spectacle vivant sont en inadéquation avec leurs pratiques (source : Enquête Pass Culture : les jeunes et le spectacle vivant, perception et pratiques, février 2023).

À SUIVRE : au-delà d’une programmation perçue en décalage avec les attentes (voir point 2), la méconnaissance du spectacle vivant constitue le principal frein à leur pratique. D’où la nécessité d’aller communiquer sur les médias qui les touchent, de créer des événements spécialement destinés aux détenteurs du Pass Culture – avant-premières, visites des coulisses, rencontres avec les artistes… – qui seront beaucoup mieux relayés par la plateforme.
Étude TMNlab complète : http://www.tmnlab.com/2023/02/03/enquete-pass-culture-les-jeunes-et-le-spectacle-vivant-perception-et-pratiques

4. Identité : vers l’affirmation de marques culturelles ? 

Pour mieux faire (re)connaître sa programmation, ses actions et ses événements, mais aussi se distinguer dans une offre multiple, la marque est un outil puissant, pour peu qu’elle fasse l’objet d’une véritable réflexion. Elle représente l’image du projet, de l’organisation ou du lieu et garantit aux yeux des publics une constance en matière de qualité.

Une marque, c’est un ensemble de “signes”, de codes et de valeurs, physiques et immatériels, servant à se distinguer précisément, mais aussi à créer une relation avec la communauté qui s’y rattache.

Peu à peu, cette tendance qui touche depuis longtemps les territoires et institutions muséales avec succès prend ancrage dans le secteur du spectacle vivant. Des équipes de direction mettent ce chantier stratégique au cœur de leur projet d’établissement, intégrant l’ensemble des métiers et compétences impliqués dans ce chantier nécessairement collectif. 

5. Design : simplicité, vivacité et liberté 

La couleur de l’année 2023, c’est Viva Magenta et c’est, selon nous, ce qui traduit le mieux la tendance actuelle en matière de design :

« À l’ère de la technologie, la nature et le réel restent notre source d’inspiration. PANTONE 18-1750 Viva Magenta descend de la famille des rouges et s’inspire du rouge de la cochenille, l’un des colorants naturels les plus précieux, les plus forts et les plus brillants que le monde connaisse.”

Leatrice Eiseman, Executive Director, Pantone® Color Institute

En 2023, le design se reconnecte à son essence : innovation et fonctionnalité.

Cela se traduit par un minimalisme et une efficacité affirmés par les graphistes qui deviennent des créateur·rice·s et des artistes de la communication avec une forte valeur ajoutée, alors que les logiciels se perfectionnent toujours davantage pour permettre aux équipes artistiques et administratives de rester autonomes dans la déclinaison de leurs outils.

6. Problématiques des communicant·e·s et producteur·rice·s 

6.1. Empreinte environnementale

Face à la crise climatique, l’éco-conception est sur toutes les lèvres. Devenu un réel enjeu dans le spectacle vivant, les professionnel·le·s sont de plus en plus nombreux·ses à prendre en compte l’impact environnemental de leurs activités.

L’éco-communication est un élément-clé de cette démarche : les messages véhiculés doivent être en adéquation avec les enjeux environnementaux actuels, et les supports utilisés pour les diffuser choisis en fonction de leurs effets sur l’environnement. 

Cette logique d’éco-conception remet en question l’utilisation des supports “traditionnels” de la communication, à savoir l’affichage public nécessitant une quantité importante d’impressions. On essaye ainsi de sensibiliser et de développer des alternatives vertes afin de limiter l’impact du print : utilisation de papier recyclé pour réduire les émissions de CO2, choix d’un imprimeur labellisé, développement d’une communication sur mesure, etc. 

Cependant, les efforts mis en œuvre sont encore questionnables. Ainsi, les réseaux sociaux, qui semblent être une solution pour réduire la pollution, sont loin d’être inoffensifs. Le numérique représente aujourd’hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre, des chiffres qui paraissent encore bas mais tendent à augmenter dans le futur (+ 60 %). Une option qui n’est pas à privilégier aux yeux de tou·te·s. Certaines études en sont même venues à la conclusion que l’impact du papier est plus faible que celui du numérique !

Se pose aussi la question d’assurer la visibilité de la culture dans l’espace public : comment atteindre les publics moins connectés ?

Autant de questions auxquelles réfléchir pour maintenir l’accessibilité de la culture.

6.2. Médias : de l’influence des créateur·rice·s de contenus 

Au-delà du traditionnel site web pour présenter son activité, produire du contenu sur les réseaux sociaux est devenu l’un des leviers de communication incontournables pour assurer sa présence, affirmer son identité, renforcer ses liens avec des partenaires, fidéliser ses communautés et mieux les comprendre. 

De plus en plus d’annonceurs font appel à des influenceur·euse·s / créateur·rice·s de contenus pour augmenter la visibilité de leur marque, générer de l’engagement et améliorer leur référencement naturel.

Selon une étude de Rakuten en 2019, 8 consommateurs sur 10 ont effectué un achat suite aux recommandations d’un·e influenceur·euse ! Plus récemment, une étude menée par Reech en 2021 parue en 2023 révèle que 73 % des consommateurs interrogés affirment avoir acheté un produit après une campagne d’influence (source).

“Les influenceurs vont de plus en plus être créatifs dans leur rôle et leurs prises de parole. Ils vont de moins en moins se contenter de reposter des opérations de communication et vont proposer des contenus de divertissements complémentaires aux campagnes qui vont venir nourrir les plateformes des marques.”

Gaëtan du Peloux et Youri Guerassimov – Marcel

Les créateur·rice·s de contenus deviennent de véritables compléments des plans médias culturels dans une logique de création de contenus éditoriaux  (cf. L’éloge, Culturez-vous, Tous Danseurs, Les petites fiches opéra) :

Une tendance que les lieux culturels peuvent prendre en compte pour dynamiser leur communication, comme le Théâtre du Châtelet qui n’hésite pas à collaborer avec des passionné·e·s créatif·ve·s, qui ont toute la confiance de leurs communautés.

À SUIVRE : si votre budget est serré, pensez à “l’influence plurielle”. Publiez des posts collaboratifs (avec vos partenaires, lieux de diffusion…) pour mutualiser vos communautés ou relayer du “contenu généré par les utilisateurs” (UGC) : articles, avis, stories et reels de médias et spectateur·ice·s vous mentionnant. Même si cela ne remplace pas une stratégie éditoriale, c’est toujours positif pour votre image et votre référencement !

6.3. Contenus : la puissance de la vidéo et du live 

2e site le plus visité au monde derrière Google, 2e plateforme sociale (2,5 milliards d’utilisateurs actifs mensuels) derrière Facebook (2,9 milliards) et 1re plateforme sociale en temps passé par mois (23h09) devant Facebook (19h43) et WhatsApp (17h20), YouTube – en croissance constante – en France, c’est 40 millions d’utilisateur·rice·s mensuels (temps passé en moyenne : 11h42/mois, 36min/jour et 1h08/jour chez les 15-24 ans) et 20 millions de personnes qui visionnent des contenus YouTube tous les mois via leur écran TV !

“Les plateformes vidéo financées par la publicité sont vouées à devancer, à terme, celles avec abonnement et vont permettre d’élargir l’accès aux contenus proposés.”

Dentsu 2023 Media Trends

YouTube étant également un moteur de recherche, il génère du trafic vers les sites Internet et contribue à l’amélioration du référencement naturel. YouTube est d’ailleurs massivement utilisé par les théâtres pour relayer leur programmation, pour leur lancement de saison : 

En 2023, les 3 grandes tendances annoncées par YouTube sont :

  • le streaming (durée moyenne des programmes : 20 minutes),
  • les shorts (formats courts) : YouTube versera 45 % des recettes publicitaires générées par les vidéos courtes Shorts à leurs créateur·rice·s,
  • et le live shopping (possibilité d’acheter directement à partir de la plateforme – en 2022, 1 Français sur 4 a déjà acheté en ligne via un réseau social).

Ces formats sont destinés à contrer la progression constante de la plateforme concurrente Twitch qui mise avant tout sur le live, et des réseaux comme Instagram ou Tik Tok qui voient émerger des profils devenus totalement indépendants de YouTube. 

Alors que ces plateformes sont au cœur de l’expérience augmentée du spectateur, toujours à l’essai en temps de priorité de retrouver le monde en salle, les relais d’opinion du secteur n’en font pas encore une priorité.  

6.4. Réseaux sociaux : Instagram et LinkedIn en tête dans le réseau

Dans le secteur culturel, Instagram tend à devenir le meilleur relai d’information et est de plus en plus investi par les artistes. La jeune génération aime y faire activement des découvertes, dénicher de nouvelles tendances. Elle s’intéresse à une programmation mais accorde aussi de l’importance à l’esthétique visuelle portée par le lieu.

Pour des raisons d’algorithmes et de pratiques, Instagram est plus efficace pour toucher un plus grand nombre de personnes, Facebook privilégiant plutôt les interactions entre proches (famille, ami·e·s…) ou nécessitant d’utiliser la publicité payante. Néanmoins, n’abandonnez pas encore Facebook : l’idéal est d’utiliser en complémentarité les avantages de chaque réseau.

De son côté, LinkedIn favorise les opportunités de réseautage et permet une veille active du secteur. Selon l’étude annuelle de Meltwater (L’état des médias sociaux 2023), il est le réseau social le plus plébiscité par les marques à 91,2 %, devant Facebook (84 %). Suivent Instagram (83,2 %), YouTube (64 %), Twitter (53,6 %) et TikTok (27,2 % contre 11,22 % l’année dernière). Alors même si la tendance actuelle est un peu au « grand n’importe quoi », la présence qualifiée, experte et associée à une vraie réflexion collective sur la présence et l’impact des collaborateur·rice·s est à suivre.

Compte tenu de la reprise de Twitter par Elon Musk et l’évolution de l’algorithme, il est désormais difficile à tout nouvel acteur n’ayant pas déjà une base communautaire de “percer” sur cette plateforme. Et certain·e·s Twittos engagé·e·s préfèrent retourner vers d’anciennes plateformes moins propices aux haters comme Tumblr ou migrer vers Mastodon, réseau décentré, libre et plus respectueux de la vie privée.

Source : Digimind

Quant à TikTok, aussi fascinant qu’effrayant ?

(En ce début d’année 2023) “TikTok, est désormais la troisième plus grande plateforme d’influence marketing et bien que son public soit encore jeune, 36 % de ses utilisateurs ont maintenant plus de 30 ans. TikTok est un moyen majeur de découvrir et comprendre notre monde.”

Pierre-Hubert Meilhac Vice president & Head of PR & Influence Ogilvy Paris 

Du côté des acteurs culturels et artistiques, la volonté ne manque pas, mais la pratique reste laborieuse. Difficulté à s’approprier les codes, manque de ressources et questionnements éthiques – la plateforme made in China est de plus en plus critiquée pour son côté addictif auprès des plus jeunes autant que pour des questions de sécurité quant aux données partagées. Au final, on y est pour y être, mais peu sont ceux qui ont réellement investi la plateforme avec succès. 

À SUIVRE :l’initiative Influen’scène notamment de Kiblos en partenariat avec un réseau de théâtres, dont le Théâtre du Nord, pour faire émerger une communauté de créateur·rice·s de contenus.

6.5. Numérique : une transformation artificielle ?

Intelligence artificielle, ChatGPT, Midjourney, monde(s) virtuel(s), métaverse, NFT, Web3… Ces mots sont omniprésents dans l’actualité et on se demande chaque jour, un peu dépassé, si le spectacle vivant (et les communicant·e·s en chair et en os) pourra y survivre (la réponse est oui). Et bizarrement, pour une fois, ce sont les publicitaires qui portent la parole la plus rassurante : 

« Dans l’industrie de la publicité, on ne fait que parler de ces usages-là, mais 90 % d’entre eux ne font pas comme ça, pas comme nous on l’imagine à Paris. On ne fait que regarder les usages geek, puis on les généralise. Ce sont des usages très pointus, qui font peur à tout le monde en réalité, et cela ne représente pas la vérité des usages de la majorité des gens. Le metaverse, etc. est un prisme très parisien, et ne prend pas en compte les usages simples. »

Benjamin Marchal et Faustin Claverie, TBWA\Paris

À SUIVRE : le maître-mot aujourd’hui sur tous ces sujets, c’est la pédagogie : bien savoir de quoi on parle précisément et quels sont les enjeux dans le domaine de la culture et du spectacle vivant. Et pour ça, on vous recommande de suivre, Manon Carré, co-fondatrice, d’Ask Mona et chouchou des médias.

Merci de nous avoir lues, n’hésitez pas à commenter, augmenter ou discuter cette synthèse qui n’a pas vocation à être parfaite mais plutôt à alimenter les connaissances de chacun·e, à créer de la réflexion et mieux encore : des idées !